Mont Perdu

Mont Perdu
Mont Perdu, Aquarelle de Franz Schrader

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L'objectif de ce blog est de proposer aux élèves un prolongement du cours, de partager des itinéraires...mathématiques, parfois même au-delà de la frontière. La marge de droite fournit des outils de travail: calculateurs formels, grapheur, exercices interactifs en ligne, traducteur.


mardi 21 octobre 2014

Chaos déterministe

"Nous sommes devenus des déterministes absolus, et ceux mêmes qui veulent réserver les droits du libre arbitre humain laissent du moins le déterminisme régner sans partage dans le monde inorganique. Tout phénomène, si minime qu’il soit, a une cause, et un esprit infiniment puissant, infiniment bien informé des lois de la nature, aurait pu le prévoir dès le commencement des siècles.
 
Le premier exemple que nous allons choisir est celui de l’équilibre instable ; si un cône repose sur sa pointe, nous savons bien qu’il va tomber, mais nous ne savons pas de quel côté ; il nous semble que le hasard seul va en décider. Si le cône était parfaitement symétrique, si son axe était parfaitement vertical, s’il n’était soumis à aucune autre force que la pesanteur, il ne tomberait pas du tout. Mais le moindre défaut de symétrie va le faire pencher légèrement d’un côté ou de l’autre, et dès qu’il penchera, si peu que ce soit, il tombera tout à fait de ce côté. Si même la symétrie est parfaite, une trépidation très légère, un souffle d’air pourra le faire incliner de quelques secondes d’arc ; ce sera assez pour déterminer sa chute et même le sens de sa chute qui sera celui de l’inclinaison initiale.
 

Une cause très petite, qui nous échappe, détermine un effet considérable que nous ne pouvons pas ne pas voir, et alors nous disons que cet effet est dû au hasard. Si nous connaissions exactement les lois de la nature et la situation de l’univers à l’instant initial, nous pourrions prédire exactement la situation de ce même univers à un instant ultérieur. Mais, lors même que les lois naturelles n’auraient plus de secret pour nous, nous ne pourrions connaître la situation qu’approximativement. Si cela nous permet de prévoir la situation ultérieure avec la même approximation, c’est tout ce qu’il nous faut, nous disons que le phénomène a été prévu, qu’il est régi par des lois ; mais il n’en est pas toujours ainsi, il peut arriver que de petites différences dans les conditions initiales en engendrent de très grandes dans les phénomènes finaux ; une petite erreur sur les premières produirait une erreur énorme sur les derniers. La prédiction devient impossible et nous avons le phénomène fortuit.
 
Notre second exemple sera fort analogue au premier et nous l’emprunterons à la météorologie. Pourquoi les météorologistes ont-ils tant de peine à prédire le temps avec quelque certitude ? Pourquoi les chutes de pluie, les tempêtes elles-mêmes nous semblent-elles arriver au hasard, de sorte que bien des gens trouvent tout naturel de prier pour avoir la pluie ou le beau temps, alors qu’ils jugeraient ridicule de demander une éclipse par une prière ? Nous voyons que les grandes perturbations se produisent généralement dans les régions où l’atmosphère est en équilibre instable. Les météorologistes voient bien que cet équilibre est instable, qu’un cyclone va naître quelque part ; mais où, ils sont hors d’état de le dire ; un dixième de degré en plus ou en moins en un point quelconque, le cyclone éclate ici et non pas là, et il étend ses ravages sur des contrées qu’il aurait épargnées. Si l’on avait connu ce dixième de degré, on aurait pu le savoir d’avance, mais les observations n’étaient ni assez serrées, ni assez précises, et c’est pour cela que tout semble dû à l’intervention du hasard."


Tout est dit avec ce magnifique texte d'Henri Poincaré extrait du Calcul des probabilités.



Un processus itératif  totalement déterminé est extrêmement sensible aux conditions initiales et donne l'apparence du chaos. Ce qui est déterminé semble alors aléatoire au regard de l'observateur.
Voir la simple suite logistique étudiée le vendredi de la sortie pour a=4.

On peut aussi méditer cet exemple géométrique, le billard de Sinaï, en comparant deux trajectoires A et B issues d'une quasi-même angle initial de sommet I:



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